C’est évidemment la question que tous – vendeurs et acheteurs, collectionneurs – se posent … je n’ai pas la prétention de répondre ici à cette question mais juste de partager mes 10 années d’observation du marché …
Le marché le plus « global », celui où, en théorie, l’offre et la demande se rencontrent le mieux et s’équilibrent relativement librement pour aboutir au prix final est évidemment internet: eBay en est l’exemple-type. Et justement, sur eBay, les choses ont fortement évolué en 10 ans, surtout en Europe.
Mais avant de voir l’Europe, prenons d’abord l’exemple américain, puisque la collection de bouteilles est, aux États-Unis, une collection extrêmement populaire – elle est dans le peloton de tête, avec les pièces de monnaie et les timbres-poste. De nombreux sites sont dédiés aux bouteilles anciennes (voir la rubrique liens) et l’un d’entre eux donne une liste de critères pour déterminer la valeur d’une bouteille:
- 1. supply and demand = offre et demande
- 2. age = âge
- 3. rarity = rareté
- 4. condition = état
- 5. color = couleur du verre
- 6. esthetic appeal = attrait esthétique
- 7. embossing and design = motifs en relief et modèle
- 8. category = catégorie
- 9. size = taille
- 10. individuality = originalité
- 11. historic significance = intérêt historique
- 12. locale = intérêt pour l’histoire locale
Tous ces critères permettent aux collectionneurs américains de déterminer la valeur de leurs bouteilles et celle-ci peut atteindre des sommets dans le cas de bouteilles anciennes, antérieures à 1850 et portant un témoignage sur le développement d’une ville importante, d’une verrerie réputée ou d’un commerce connu (cas des bouteilles commerciales). J’ai le souvenir d’avoir vu une bouteille commerciale de Baltimore, datant de la 1ère moitié du 19ème siècle, s’envoler à plus de 11.000$ sur eBay! Bref, aux États-Unis, le point 11 (intérêt historique) est extrêmement important, probablement bien plus qu’en Europe, où d’autres témoignages archéologiques de notre histoire abondent.
Deuxième pays grand collectionneur de bouteilles: l’Angleterre … grand nombre de bouteilles sur eBay également. Les bouteilles 17ème sont littéralement inabordables (plusieurs milliers de £). Pour les bouteilles 18ème, un élément-clé de la valeur, outre-Manche, demeure la présence d’un sceau portant initiales et date. Les sceaux sont fréquents sur les bouteilles anglaises mais la présence d’une date (surtout avant 1800) fait littéralement s’envoler les prix – alors que la même bouteille sans sceau se vendra difficilement … Les 10 dernières années ont vu une évolution du marché en partie liée à la crise économique: de très bonnes bouteilles 18ème non scellées ne trouvent plus preneur pour 20£ alors que les scellées/datées se négocient rarement en dessous de 500£ (650€) … L’écart se creuse entre le bon, qui reste sur le tarmac, et le très bon, dont les prix restent soutenus, bien plus que de ce côté de la Manche. Pour voir de belles bouteilles anglaises hors eBay et se faire une idée des cours.
Mais c’est en France que l’évolution a été la plus marquée sur les 10 dernières années: les bouteilles anciennes sont enfin sorties de l’ombre sur internet et sur eBay mais il règne encore une certaine pagaille dans les prix: les bouteilles « de base » de la 2ème moitié du 18ème siècle sont proposées à des prix extrêmement variables, de quelques euros (de plus en plus rarement) à plus de 100 euros … à ce prix, elles restent évidemment invendues! Mais le fait marquant est que les très bonnes bouteilles, rares, qui se vendaient pour quelques dizaines d’euros il y a encore quelques années, font maintenant des prix importants: un oignon français est parti il y a quelques mois pour 350€. Prix élevé, certes, mais qui – compte tenu de la rareté de ces bouteilles – ne me semble pas exagéré. Pourtant, par rapport à l’Angleterre ou aux États-Unis, le marché français sur eBay me paraît encore assez immature: la connaissance du produit offert est souvent approximative et il n’est pas rare de voir des bouteilles du 19ème qualifiée de « 18ème » ou même parfois de « 17ème »! Il faut donc un peu de patience et d’expertise avant d’acheter …. Une autre chose frappante également est que l’on ne trouve pas sur eBay.fr de très bonnes bouteilles (notamment 17ème), qui pourraient aisément atteindre les prix records des bouteilles anglaises ou américaines … ces pièces-là se négocient en France chez les antiquaires et non sur internet.
De mon point de vue, les meilleures affaires, sur eBay, se font – comme toujours – à cheval entre les pays: une bonne bouteille française mal identifiée en Angleterre (sur eBay.co.uk) ou l’inverse, sur eBay.fr!
Finalement, pour débuter une collection, eBay.fr n’est pas forcément le bon endroit, en 2014: les brocantes et vide-greniers en régions sont un meilleur plan pour les petits prix – qui se font rares sur internet. Et pour enrichir une collection existante, la principale difficulté est le manque de connaissances des vendeurs … Il est difficile de faire une excellente affaire avec une bouteille anglaise sur eBay.co.uk mais, comme le marché anglais est très averti et mature, il est également difficile de payer beaucoup trop cher. En France, ce garde-fou n’existe pas encore et les prix sont fantaisistes, souvent trop chers pour du bas ou du moyen de gamme. Encore que … ce « trop cher » est évidemment subjectif et relatif parce que le marché est à la hausse depuis 10 ans et que ce qui paraît cher aujourd’hui sera peut-être la norme demain. Subjectif aussi parce que je compare les prix d’aujourd’hui avec ceux que j’ai connus il y a 10 ans. En revanche le « meilleur », lui, reste payable (à mon avis) et est donc proportionnellement moins cher que le simple « bon ».
Un dernier point: je me pose très souvent la question de la valeur réelle de ces objets – question sans objet, peut-être … Mais quand même: d’objets quotidiens, d’usage , jamais mis en exergue (voir mon post sur les tables de prestige au 18ème), les bouteilles deviennent à coup sûr des objets de collection. Deviendront-elles demain des objets d’art à part entière? La distance est encore grande entre l’enfer des bouteilles, les déchetteries – où l’on peut faire des découvertes, si, si 🙂 – et le « paradis » des salles de musées. Heureusement d’ailleurs, pour tous les collectionneurs et passionnés!
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