Un contrôle de qualité de bouteilles, en 1791 (Nivernais)

Contrôle de qualité des bouteilles du 18e siècle

Serge Adam a trouvé, dans les archives départementales de la Nièvre, ce document passionnant qu’il m’autorise à poster sur le blog (merci à lui!) : un « contrôle de qualité », en 2 temps, des bouteilles de la verrerie de La Charbonnière à Saint-Léger des Vignes (scan de la première page ci-dessous), daté de 1791 !

Texte de contrôle de qualité des bouteilles du Nivernais

 

Et le contrôle s’avère négatif … Mais ce document apporte une foule d’informations intéressantes, notamment:

  • sur la méthode de contrôle de la qualité elle-même : j’y reviens brièvement ci-dessous …
  • sur les noms et la mobilité des verriers : un des témoins du contrôle est un ancien de la verrerie de Marne la Champagne
  • sur la quantité de bouteilles présentes dans la verrerie au moment du contrôle : 100.000
  • sur leur types : « orléanaises » et « parisiennes » (?)
  • sur la conséquence du contrôle de qualité négatif : une probable décote des bouteilles, à 8 livres le cent (on ne connaît malheureusement pas le prix courant des bouteilles de bonne qualité)

Le résultat du « test » que l’on peut lire en détail ci-dessous – et qui se déroule en 2 temps – est que la « nébulosité » (dépôt) n’est présente que dans les bouteilles remplies de vin et non de vinaigre. Cela suggère que ce dépôt est soluble dans un acide faible (vinaigre) et qu’il s’agit donc probablement de carbonate de calcium (calcaire). Le carbonate de calcium (CaCO3) est un des ingrédients rentrant dans la fabrication du verre à hauteur, nous dit Sauzay (en 1876), de « 10 parties sur un total de 130 », soit environ 8%. Mais ce carbonate-là est évidemment décomposé en chaux (CaO) et dioxyde de carbone (CO2) dans le four. Le dépôt constaté ici doit donc résulter d’une reprécipitation de calcaire en excès lors du refroidissement du verre (ce qui me paraît difficile …) ou peut-être, plus simplement, d’une contamination des bouteilles par de la poussière calcaire, une fois celles-ci fabriquées … Avis aux spécialistes !

En tout état de cause, on peut se demander si un simple rinçage n’eût pas permis de sauver le stock …

Et voici le texte transcrit par Serge :

***

Procès verbal pour la direction Saint James

Du 5 et 11 novembre 1791

« Par devant les notaires résidant en la ville de Decize soussignés et témoins cy après nommés, aussi soussignés, sont comparus : sieurs Samuel LOBRE et Henry HOUGUE, maîtres verriers en bouteilles demeurant à la verrerie de La Charbonnière, paroisse de Saint Léger des Vignes, lesquels en vertu d’une délibération prise à l’assemblée des experts de Mr de SAINT JAMES, le vingt septembre dernier, par laquelle il a été dit qu’avant de procéder à la vente des bouteilles, qui sont dans le magasin de la dite verrerie de La Charbonnière appartenant à la direction du dit Sieur de SAINT JAMES, elles seroient visitées par experts qui donneroient leurs avis sur la quantité et le prix des dites bouteilles, et ayant été requis de la part de l’agent du trésor public de messieurs les syndics des créanciers et de Maître DEGON, représentant les héritiers bénéficiaires de Monsieur de SAINT JAMES.

Se sont transportés avec nous et nos dits témoins, dans le magasin de la dite verrerie ou étant il s’y est trouvé une quantité de bouteilles, qui a été déclarée être d’environ cent milliers, dont cinquante cinq milliers orléanoises et quarante cinq milliers parisiennes, et comme il leur apparu qu’elles n’étoient pas d’une bonne fabrique et qualité, ils en ont pris indistinctement dans de divers endroits, six et dans quatre desquelles, ils ont mis du vin rouge tant de ce pays, que de Bourgogne, lequel vin après dégustation faite, avons reconnu pour être d’une bonne qualité et très clair, dans une autre du vinaigre, lequel après dégustation faite, nous avons reconnu pour être d’une bonne qualité et très clair et dans la sixième du vin blanc de ce pays, lequel après également dégustation faite, nous avons reconnu pour être d’une bonne qualité et très clair, lesquelles six bouteilles les dits experts nous ont requis de les cacheter pour être déposé jusqu’à vendredy prochain, afin pour eux de reconnaître efficacement l’effet des dites bouteilles et leurs véritables qualités. A quoi adhérant, nous avons bouché les dites bouteilles et les avons cacheté avec de la cire rouge et les avons déposé en mains du Sieur François DROUAILLET, directeur et intéressé de la dite verrerie de La Charbonnière y demeurant, paroisse de Saint Léger des Vignes, qui s’en est volontairement chargé et à promis les représenter le dit jour vendredy prochain dans le même et semblable état qu’elles lui ont été remise, dont et de tout en présence et assisté du Sieur Jean Baptiste LELONG, avoué au tribunal de district de la ville de Decize, y demeurant paroisse Saint Arré et du Sieur Joseph LELEU, ancien fournaliste de la verrerie de Marne la Champagne et présent à la dite verrerie de La Charbonnière, le jourd’hui cinq novembre mil sept cent quatre vingt onze et avons signé avec les dits Sieurs LOBRE, HOUGUE, DROUAILLET et nos dits témoins, de ce requis et interpellé, fait, scellé et enregistré ».

Samuel LOBRE     Henry HOUG                       LELEU           LELONG

DROUAILLET                                                 DUMONT MILLET

CONQUIS

« Le dit jour vendredy onze novembre mil sept cent quatre vingt onze, onze heures du matin, nous notaire et témoins sus dit et soussignés, assisté des Sieurs Samuel LOBRE et Henry HOUGUE, dénommés en notre procès verbal cy dessus, et de l’autre part nous nous sommes transportés au domicile du dit Sieur DROUAILLET, où étant arrivé à la dite heure, il nous a représenté les six bouteilles dénommées en notre dit procès verbal et après examen fait de la part des dits experts, ainsy que nous avons reconnu que les cachets apposés sur chacune des dites six bouteilles, étoient sains et entiers, avons de suite décacheté les dites six bouteilles et après en avoir mis de chacune des dites six bouteilles de la liqueur, quy y étoit déposé dans un verre blanc propre, la première goutte de chaque bouteille et dans un autre verre la dernière goutte, ainsi de chacune bouteille, avons remarqué et reconnu quand aux premières gouttes, les dites six bouteilles, qu’elles étoient nébuleuses et quand aux dernières gouttes, quelles étoient pareillement nébuleuses et pleines de décomposition de verre, à l’exception de celle du vinaigre, en qui c’est trouvé seulement nébuleuse sans décomposition, dans le cas desquelles bouteilles, toujours à l’exception de celle où il y avoit du vinaigre, il fut trouvé de la décomposition, pourquoi les dits experts déclarent qu’il résulte de cet essay, que les dites bouteilles sont défectueuses et estiment qu’elles ne peuvent servir à mettre aucune liqueur spiritueuse, ni acide et que ne pouvant être employées au principal objet pour lequel elles sont fabriquées, ils ne peuvent en porter le prix et estimation, qu’à la somme de huit livres le cent, prise dans le dit magasin.

Dont et de tout ce que dessus ils font leur rapport, qu’ils affirment en leur âme et conscience sincère et véritable, ce dont ils nous ont requis acte à eux octroyé pour valoir et servir de quel raison à qui il appartiendra et ainsy fait lu et passé au dit lieu de La Charbonnière, maison du dit Sieur DROUAILLET, les dits jours et an sus dits, en présence de nos témoins dénommés en notre procès verbal du cinq du mois, qui ont signés avec nous, les dits experts et le dit Sieur DROUAILLET, de ce enquis et interpellé, fait scellé et enregistré ».

Samuel LOBRE       Henry HOUG                         LELEU             LELONG

DROUAILLET                                                      DUMONT MILLET Nre

CONQUIS

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *