Un superbe isolement insulaire britannique ?

bouteille en verre anglaise

English version below

Nous avons vu dans les articles précédents que les verreries françaises et belges soufflaient au 18ème siècle des bouteilles de type « mallet » à l’anglaise, comme indiqué explicitement dans le catalogue de la verrerie Dioncq-Lenglé à Dunkerque, en 1809.

Anglaise

Mais à la question de savoir si les verreries anglaises soufflaient quant à elles des bouteilles « à la française », je serais tenté de répondre négativement.

Bien entendu, des bouteilles anglaises étaient occasionnellement vendues à des clients belges ou hollandais, d’après les noms indiqués sur les sceaux de celles-ci : Vanveghten, Van Driel, Rijkevorsel (Van den Bossche, 2001, planche 77). Mais il s’agit bien d’oignons typiquement anglais et je n’ai pas connaissances de bouteilles anglaises avec une forme spécifiquement française ou belge.

Cela signifie-t-il que les verreries à bouteille britanniques vivaient dans un superbe isolement ? La Grande-Bretagne achetait évidemment des quantités considérables de divers vins européens (souvent en barriques) mais surtout elle avait d’immenses débouchés coloniaux, dans le monde entier. Pourtant, curieusement, quand on regarde les bouteilles retrouvées outre-Atlantique, on trouve surtout des oignons « hollandais » (c’est-à-dire belges en partie) et bien peu d’oignons ou de mallets anglais. Des bouteilles françaises furent également exportées vers le Canada français, comme nous le rappelait récemment Tim Eldridge.

Les bouteilles anglaises avaient quelques spécificités bien ancrées: elles étaient souvent scellées, portant chiffre et armes, et datées. Dès la 2ème moitié du 17ème siècle, elles apparaissent à table, où le vin est normalement servi directement à partir des bouteilles (Lloyd, 1969, p. 43; voir page bibliographie). On peut imaginer que ces bouteilles personnalisées devaient être plus coûteuses que les bouteilles simples, et donc moins destinées à l’exportation. Plusieurs questions surgissent : est-ce que ces anglaises scellées étaient intrinsèquement destinées à ne servir qu’à leur propriétaire, qu’il s’agisse de particuliers ou d’institutions ? Faisaient-elles partie intégrante du service de table, au même titre que l’argenterie ?

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Un magnum anglais du 18ème siècle, scellé au nom de J. Mason / A 18thC sealed magnum; seal reads « J. Mason »

Mais au-delà, on peut aussi se demander si les verreries à bouteilles britanniques ont couvert la demande intérieure au 18ème siècle, ou si au contraire l’appoint des “anglaises” soufflées sur le continent était nécessaire pour rencontrer cette demande ?

Je ne dispose pas des informations nécessaires pour répondre à toutes ces questions, mais les informations disponibles semblent indiquer que les bouteilles personnalisées en Grande-Bretagne avaient peut-être un statut différent des bouteilles ordinaires, en France, en Belgique ou aux Pays-Bas. Dans ces régions, la production de masse a commencé tôt au 18ème siècle et peut-être les bouteilles sont-elles dès lors rapidement devenues des biens de consommation et d’exportation relativement ordinaires?

Il y a manifestement encore du travail pour répondre plus précisément à toutes ces questions!

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Un très rare oignon anglais bleu daté et scellé: Roger Comberbach 1725 (photo scannée à partir de l’ouvrage de Lloyd, 1969, p. 90) / a ultra-rare British blue onion with a named and dated seal: Roger Comberbach 1725 (picture scanned from Lloyd’s book, p. 90).

A British splendid isolation ?

We have seen in former posts that French and Belgian glassworks in the 18thC made English-shaped bottles (e.g. mallets) and that the continental makers clearly referred to these bottles as to “anglaises” (“English”), as seen in the 1809 catalogue of the Dioncq-Lenglé glasswork in Dunkerque (Northern France).

But what is less obvious is whether English glassmakers sometimes made French-shaped bottles? At first glance, I would answer negatively.

English bottles were for sure sometimes sold to Belgian/Dutch customers, as indicated by family names on their seals: e.g. Vanveghten, Van Driel, Rijkevorsel (see Van den Bossche, 2001, plate 77). But these are truly English onions and I really don’t know of English bottles with a definitely French (or Belgian) shape.

Does this mean that English bottle-makers lived in a splendid isolation? Great Britain obviously bought a lot of wine varieties from continental Europe – though mostly in barrels – and, above all, had worldwide overseas colonial markets. But strikingly, when looking at the bottles found in America, there are lots of “Dutch” (i.e. partially Belgian) onions and comparatively very few English onions or mallets! French bottles were even discovered in French-held Canada, as recently seen in Tim Eldridge’s post.

British bottles had some rooted specificities: many were sealed, crested, dated, and from the mid-17thC onward “wine was normally served at table direct from (…) bottles” (Lloyd, 1969, p. 43; see references page). We could infer that these personalized bottles were probably more expensive than plain ones, and thus intrinsically less prone to export … Questions arise: were these sealed English bottles doomed to be used only by their owners, either individuals or institutions? Were they truly part of their tableware, as was silver?

Further, were British glassworks able to meet the internal demand along the 18thC? Or was the continental-made “English” bottle supply to some extent needed to cover shortages?

I do not have all the information needed to answer these questions … but preliminary data seemingly suggest that personalized bottles in Great Britain had maybe another status than plain ones in France, Belgium and the Netherlands. In these regions, mass production took place early in the 18thC and makes it possible to look at bottles as to ordinary export commodities.

Obviously, there is more work ahead to answer the above questions thoroughly …

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