Mon post précédent sur le prix des bouteilles date de juillet 2014. Entre cette date et aujourd’hui, quelques éléments ont varié.
Pour l’Angleterre, le monumental ouvrage de D. Burton (2014) sur les bouteilles anglaises scellées a formalisé une tendance qui était déjà sensible mais pas exprimée aussi explicitement. À la fin de son ouvrage, Burton écrit sur la manière dont il convient – selon lui – de collectionner les bouteilles. Les conseils témoignent d’un grand professionnalisme mais aussi d’un souci d’investissement et de « rendement » de la collection. Ne pas se disperser, sélectionner un créneau, acheter des valeurs susceptibles de monter, etc. De collectionneur, l’auteur se fait ostensiblement conseiller en investissement. La démarche est sans doute compréhensible dans un pays où les meilleures bouteilles scellées peuvent, rappelle l’auteur, atteindre les 20.000£ (27.500€). À ce prix-là, la bouteille scellée se gère évidemment comme un placement …
On est encore loin de tout cela en France où il me semble que les bonnes bouteilles se font rares sur eBay, sans y avoir jamais été ni très nombreuses, ni très cotées ! Les bouteilles les plus fréquentes sont les bouteilles la fin du 18ème et du début du 19ème siècle et elles ne trouvent pas souvent preneur, même à des prix modiques (5 à 20€). Les bouteilles scellées montent un peu plus (de 20 à 100€) mais sans approcher, même de très loin, les sommets anglo-saxons. Quant aux bouteilles pré-1750, elles sont rarissimes et peuvent monter à des prix élevés (>1000€) mais ce n’est pas systématique. J’ai acheté une bouteille rare, de 1730-40 – très abîmée il est vrai mais qui reste un bon « document », comme on dit dans le jargon des antiquaires – pour seulement … 9€ !
Les seules cotes assurées (600 à 1000€) sont les verreries bleutées forestières du Languedoc (Grésigne, Tarn) – même si je suis persuadé que quelques flacons vendus comme tels n’ont ni l’origine, ni l’âge qu’ils devraient avoir … l’engouement est tel que tout part !
Un autre fait nouveau est l’apparition de copies, plus ou moins présentées comme des pièces 18ème, anciennes. Les prix ne montent pas très haut – ce qui est logique – mais l’apparition de telles copies est dommageable parce qu’elles viennent jeter de la confusion sur le marché. Un peu comme les bouteilles anglaises sans aucun signe d’âge jettent le trouble sur le marché anglo-saxon : conservation exceptionnelle, bouteilles anciennes repolies ou … reproductions modernes ?
Ce qui est également frappant, c’est le contraste qui existe entre : (1) le marché anglo-saxon où il est possible, à n’importe quel moment, de trouver des dizaines (voire des centaines) de bouteilles anglaises et d’oignons belges et hollandais 18ème, sur eBay.co.uk ou eBay.com et (2) le marché français et allemand, où les bouteilles 18ème restent extrêmement rares. Ce qui importe est évidemment la quantité de bouteilles soufflées au 18ème dans les différentes régions de production … L’Angleterre a produit massivement et on retrouve, logiquement, beaucoup de bonnes bouteilles anglaises sur le marché. Les Pays-Bas (Belgique et Hollande actuelles) ont aussi produit énormément d’oignons et on en retrouve des quantités industrielles – peut-être même excessives – sur le marché. Mais la France et l’Allemagne ont également produit de très nombreuses bouteilles et on ne retrouve quasi rien sur le marché … et bien moins encore en Allemagne qu’en France !
Où sont donc passés les millions de bouteilles françaises et allemandes ? Se pourrait-il qu’elles aient été moins thésaurisées que les bouteilles anglaises qui, « patrimoine de famille », se sont transmises de génération en génération, et donc qu’elles aient été davantage cassées, remplacées ? Si tel était le cas, le prix des bouteilles françaises et allemandes parvenues jusqu’à nous devrait logiquement être fort élevé. Or, tel n’est pas le cas, sans doute parce que la loi simple « tout ce qui est rare est cher » n’est pas d’application dans un marché intrinsèquement peu rationnel …
Les 20.000£ d’un oignon scellé anglais rarissime qui s’échange entre connaisseurs seraient-elles encore seulement 2000€ dans une salle de vente française ? Conclusion : loin d’être « mondialisé », le marché des bouteilles est au contraire extrêmement cloisonné ! C’est l’intérêt des acheteurs, leur degré de connaissance, leur nombre, rapporté à la quantité et à la qualité des bouteilles sur le marché qui fait le prix final … et les situations d’offre et de demande sont encore très différentes d’un pays à l’autre. Je doute qu’elles ne s’harmonisent jamais.
A brief bottle market analysis (update 2015)
My former post on the bottle market dates back to July, 2014. Some new elements appeared meanwhile.
Regarding England, the monumental book by Burton (2014) on sealed English bottles has made a yet implicit trend even more explicit and obvious. At the end of the book, Burton writes on his ‘right way’ to collect bottles. The author delivers highly professional recommendations but takes further care of the return on investment of a bottle collection. Avoid dispersion, select a niche, buy bottles whose price is likely to increase, etc. From a distinguished collector, the author becomes an investment adviser. This is comprehensible in a country where sealed bottles may sell for amounts as high as 20,000£ (more than 30,000 US$). At such a price, the sealed bottle is rightly regarded as a financial investment!
France is still far from all this! My personal feeling is that good old bottles are rarer than ever on eBay, even if they never were very abundant nor very costly on this website. The most frequently offered bottles are late 18thC – early 19thC ones and many of them remain unsold, even at affordable prices (5 to 20€). Sealed bottles are better priced (20 to 100€) but remain far behind the English ones. Pre-1750 bottles are rather rare on eBay and when they appear, they are sometimes sold for high prices, above 1000€, but this is far from systematic. I recently bought a c. 1730-40 French bottle for just 9€ … I admit that it is heavily damaged on one side but even so, it remains an interesting document.
High prices are nearly always paid for teal 18thC Gresigne glass (SW France) but my intimate conviction is that some of these so-called Gresigne bottles are not what they should be, in terms of origin and age.
Modern reproductions of old bottles now regularly appear on the French market, and this is a relatively new trend. Prices remain reasonably – and logically – low but these reproduction/fakes are confusing as they are rarely sold as such. I sometimes feel some similar discomfort with ‘brand new’-looking English bottles on eBay: outstanding preservation? Polished old ones? Or modern repros?
The contrast between the English and the continental markets is really striking. It is anytime possible to find dozens (or even hundreds) of good 18thC Dutch onions or English mallets/cylinders on eBay.co.uk or eBay.com. On the contrary, contemporary bottles remains rather rare in France or Germany. The key factor is the production of those areas in the 18thC … England has had a mass production of black glass bottles throughout the 18thC and part of them are still on the English and American markets today. The same situation prevails for the Dutch/Belgian onions that travelled to overseas colonies, where many (or should I say ‘too many?) are still recovered. But France and Germany also massively produced bottles in the 18thC and these have virtually vanished in France – and even more so in Germany!
Where are those millions of French and German bottles gone? One possible element is that they were less considered in those countries than in England, where sealed bottles were transmitted as a family legacy; as a consequence, less bottles were possibly broken and replaced in England than in France or Germany. If this hypothesis works, then the remaining French and German ones should be highly prized. It is obviously not so and the simple motto ‘all that is rare is expensive’ does not apply in this instance. This is because bottle market appears to be an intrinsically irrational one.
I assume that an outstanding sealed English onion exchanged among connoisseurs for some 20,000£ would not even make 2,000€ in a Continental salesroom. My conclusion is that the bottle market is definitively not globalized and that, to the contrary, it is extremely partitioned. It is the interest of buyers, their level of knowledge/awareness, their numbers with respect to the quantity and quality of bottles on the market that makes the final price. Supply and demand still strongly differ from one country to the other, and I doubt they will soon harmonize.
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