Un lot de bouteilles belges

English version below

La semaine dernière, j’ai eu l’occasion d’acquérir une quarantaine de bouteilles, dans la cave d’une grosse demeure de l’arrière-pays de Huy (Belgique). C’est la deuxième fois que je visite une cave importante dans cette région : la première fois c’était en 2008, une cave située dans les fondations des remparts de Huy, qui remontent au 12ème siècle.

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Les bouteilles des deux caves ont des caractéristiques communes, j’y reviendrai plus en détail dans un prochain post. Il s’agit de bouteilles cylindriques trapues qui étaient utilisées pour la mise en bouteilles du bourgogne – et seulement de ce vin. En effet, le propriétaire du domaine précise que le bourgogne (essentiellement du Pommard) arrivait dans la région liégeoise par bateau (Meuse, canaux) et en barriques tandis que le bordeaux y arrivait déjà embouteillé et par la route. L’embouteillage à domicile du bourgogne m’avait été expliqué par la propriétaire de la première cave également.

Les deux témoignages confirment également que ces embouteillages se pratiquaient de génération en génération, en remployant le plus possible les mêmes bouteilles. Je pense que la majorité des bouteilles que j’ai achetées dans les deux caves datent d’environ 1800 (à plus ou moins 20 ans près). On sait peu de choses sur la production régionale de bouteilles à la fin du 18ème siècle. En revanche, on sait que la région était extrêmement morcelée, entre les grandes puissances (Autriche, France, Saint-Empire germanique ; voir carte). Cela explique peut-être pourquoi la région liégeoise a continué à produire, vers 1800, des bouteilles très spécifiques et de facture assez artisanale – alors que les bouteilles anglaises et françaises étaient déjà très standardisées.

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Un autre point commun entre les deux caves : les bouteilles ont dû y être couchées sur des sols de sable humide. Ce substrat a provoqué des dégâts, sous la forme de zones matées et plus ou moins fortement corrodées. La photo ci-dessous montre une bouteille à laquelle adhère encore un dépôt de sable induré. La bouteille de droite est nettoyée et présente une zone elliptique de corrosion.

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Et pour finir, les 3 bouteilles du post du 2ème anniversaire, propres … la bouteille de gauche est d’un type que je ne connais pas, la centrale est une champenoise et celle de droite est une belge typique.

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A batch of Belgian bottles

Last week I have had the opportunity to buy some forty bottles from the cellar of a large estate in the hinterland of Huy (Eastern Belgium). It is the second time I visit an important cellar in this region: the first time was in 2008, an important cellar located in the foundations of the 12thC ramparts of Huy.

Bottles from the two cellars share common characteristics that will be examined in more details in a forthcoming post. These stubby cylindrical bottles were used for the bottling of burgundy – and only this kind of wine. Indeed, the owner of the estate explained that burgundy wine (and mostly Pommard) arrived in the Liège region in barrels delivered by boat (Meuse river, canals) while the Bordeaux wine was delivered in bottles and by road. This “home-bottling” of Burgundy wine had been mentioned by the owner of the first cellar also.

Both accounts also confirm that this bottling was practiced from generation to generation, re-using as far as possible the same bottles. I guess the majority of the bottles I bought in the two cellars date from around 1800 (1780-1820). Little is known about the regional production of utility glass and bottles in the late 18thC. However, it is known that the area was highly fragmented, between the great powers (Austria, France, Holy Roman Empire; see map). This may explain why the Liège region still produced, in the late 18thC-early 19thC, bottles that were altogether specific and quite artisanal – while British and French bottles were already highly standardized.

Another common feature between the two cellars: the bottles have been stored lying on wet sand floors. This substrate has caused damage, in the form of dull and more or less heavily corroded areas. The photo below shows a bottle with an adhering deposit of slightly indurated sand. The bottle to the right is cleaned and displays an elliptical corrosion surface.

To conclude, here are the 3 bottles of the 2nd anniversary post, after cleaning … the left-hand bottle is of a kind I do not know, the central one is a champagne bottle and the right-hand one is another typical Belgian.

6 réponses à “Un lot de bouteilles belges”

  1. Avatar de Serge ADAM
    Serge ADAM

    Tu a trouvé la cave aux trésors Thierry!
    C’est très intéressant de savoir que le vin de Bourgogne était envoyé en Belgique en barriques et non pas en bouteilles, par contre pour quelle raison le vin de Bordeaux était lui expédié en bouteilles?
    Par contre je trouve curieux que le vin de Bordeaux était transporté par route sur une si longue distance à cette époque, les routes en France était plutôt en mauvais état, et le voiturier et le commerçant prenaient de gros risque de les transporter de cette façon (casse, vin secoué, attaque du transporteur), et il lui fallait plusieurs semaines avant d’arriver en Belgique, le transport par voies navigable aurait été moins risqué, mais bon il avaient certainement de bonnes raisons.
    J’ai trouvé sur le site de la Bibliothèque de France, un document « Dissertation sur la Situation de Bourgogne et sur les Vins quelle produit etc.. » daté de 1725, où il est question d’une bouteille de Bourgogne, en voici le passage: « On apelle essay en Bourgogne une petite bouteille ronde en long de trois à quatre pouces sur deux de circonference, qui se rétrécissant tout à coup dans le haut pour former un petit goulet, ouvre un petit rebord pour recevoir le vin et le bouchon. »

    1. Avatar de Thierry De Putter

      Bonsoir Serge, je pense que le vin de Bordeaux a été assez rapidement vendu en bouteilles au 18ème. D’après ce que je sais pour l’Empire, l’expédition se faisait en effet par bateau de Bordeaux vers Dunkerque, puis Ostende (à la suite du blocus anglais), et par la route ensuite, vers Bruxelles et sans doute Liège. Cela réduisait un peu les aléas du voyage – surtout si les voiries autrichiennes en Belgique étaient en bon état … On aimerait voir cet « essay » bourguignon!

  2. Avatar de BOILEAU
    BOILEAU

    Bourguignon de naissance, je m’intéresse fort à tout ce qui a trait aux vins de cette région (cartes postales 1900/1935, étiquettes anciennes 1800/1935 (arrivée des fameuses « appellations contrôlées »), marques postales/courriers commerciaux des XVIII et XIX ème en provenance ou destinées aux négociants beaunois et nuitons,… et bouteilles anciennes (je suis à peu près ignare sur le sujet, pour le moment, mais je suis en train de m’y plonger).
    Nous pouvons échanger des infos et photos….
    Parmi les marchands 18/19èeme dont je piste les courriers, je connais bien la Maison « Labaume l’Aîné » de Beaune, supposée avoir été fondée en 1734. Sur la période 1780/1850, je possède des lettres très intéressantes, qui montre que l’exportation vers les provinces Belges et Hollandaises (et Etats Allemands) était assez active. Il est vrai que les campagnes de guerre révolutionnaires puis napoléoniennes ont aussi permis d’accroître les ventes de vins fins aux bourgeois et hobereaux fortunés du nord de l’Europe…
    Les négociants bourguignons exportaient surtout des fûts, mais parfois aussi des « paniers » de bouteilles pour les meilleurs crûs (Chambertin, Clos Vougeot, Nuits-St Georges, Volnay,…).
    Des petits bouteilles d’échantillons servaient souvent pour faire goûter le vins aux acheteurs les plus raffinés et connaisseurs…
    J’ai certains de ces flacons de petite taille, mais la datation n’est… actuellement pas à ma portée…

    1. Avatar de Thierry De Putter

      Bonsoir et merci pour votre commentaire, très utile et qui confirme les dires de mes interlocuteurs belges. L’information des « paniers » de bouteilles pour les meilleurs crus est très intéressante également, elle rejoint les pratiques bordelaises en vigueur depuis la moitié du 18ème siècle.Vos flacons à échantillons semblent rejoindre les « essay » de Serge Adam – un familier du blog depuis de longues années (voir son commentaire). Ce serait intéressant de voir ces petits flacons, si vous en avez dans votre collection. Peut-être datent-ils de l’époque qui nous intéresse? Si cela vous dit, n’hésitez pas à partager des photos!

  3. Avatar de Serge ADAM
    Serge ADAM

    Bonsoir, Boileau et Thierry, j’ai aussi une quarantaine de ces petites bouteilles, de différentes formes, dès que j’ai un moment je ferai quelques photographies, mais elles ne sont pas si anciennes que les « essay » de Bourgogne. Dans la verrerie de Saint Léger des Vignes il y avait un souffleur qui ne fabriquait que ces bouteilles. Boileau (désolé mais je ne connais pas votre prénom) je suis très intéressé sur les documents que vous avez, concernant la Maison « Labaume l’Aîné » ou autres Maisons vigneronnes bourguignonnes avez vous des documents concernant les verreries qui leurs fabriquaient leurs bouteilles, la verrerie de Saint Léger des Vignes (Nièvre) où j’habite et où plusieurs générations de ma famille y ont travaillé, ont fabriqué des bouteilles pour les vignerons Bourguignons. Je suis aussi né en Bourgogne, même si le Nivernais a été rattaché à cette région tardivement, de même si vous avez besoin de renseignements et si il m’y est possible de vous les donner, n’hésitez pas, à poser des questions.
    Amicalement.

    Serge

    1. Avatar de Thierry De Putter

      Bonsoir Serge, c’est Yves (ou Yvon) Boileau qui, je pense, va nous rejoindre activement sur le blog très prochainement …

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