Il y a deux ans, je publiais sur le blog une bouteille scellée portant les armes d’Orléans et le mot « cave ». Tout récemment Geoffrey Luff a lui aussi trouvé une bouteille semblable en Provence et a poussé les recherches sur le sceau présent sur la bouteille. Voici ses conclusions (texte original en anglais, ci-dessous ma traduction en français):
“D’azur à trois fleurs de lys d’or et au lambel d’argent” est le blason de la maison d’Orléans (Fig. 1) et on pense immédiatement à son chef, le Duc. Pourtant, deux détails retiennent l’attention. Premièrement, l’écu est de forme losangique, ce qui est extrêmement rare, sinon unique, sur les sceaux de bouteille. Deuxièmement, la couronne surmontant l’écu est la « couronne des Enfants de France », toutes fleurs de lys par opposition à l’alternance de fleur de lys et d’acanthe, pour la couronne ducale. Cette couronne est donc celle d’un fils ou petit-fils d’un roi de France, autre que le Dauphin qui a sa couronne propre.
Un paramètre important pour déterminer le titulaire du sceau est la forme losangique qui, en héraldique, est connue sous le nom d’« écu des damoiselles (ou demoiselles) » et est donc un écu de femme. Ce qui, combiné à l’âge probable de la bouteille (1825-30), est un indice supplémentaire.
Le roi Louis-Philippe monte sur le trône en 1830 et est exilé en Angleterre en 1848. Pendant ces 18 années de règne, ses trois filles (Fig. 2) ont pu utiliser ce sceau – avant de se marier. La princesse Louise Marie (1812-1850) devient la première reine des Belges en 1832 : elle n’aurait donc pu utiliser ce sceau que durant 2 ans (1830-32). La princesse Marie Christine (1813-1839) devient Duchesse de Wurtemberg en 1837 et a donc pu utiliser ce même sceau pendant 7 ans (1830-37). Enfin, la princesse Marie Clémentine (1817-1907) devient princesse de Saxe-Cobourg en 1843 et a donc pu utiliser ce sceau pendant 13 ans (1830-43). Marie Clémentine était aussi connue sous le titre de Mademoiselle de Beaujolais – ce qui en fait une candidate idéale …
Ces bouteilles ont bien sûr pu servir aux trois sœurs dans des occasions particulières. Le mot « cave » est évidemment le point le plus intéressant de ce sceau et il serait intéressant de trouver d’autres bouteilles qui l’auraient aussi. Ma bouteille a une marque de canne très caractéristique au cul, ce qui montre que cette technique était encore employée dans les années 1830. Peut-être ces bouteilles ont-elles été soufflées à Sèvres ?
Voici les mesures de cette nouvelle bouteille, ainsi que quelques photos (Figs 3-6). Hauteur 30 cm ; diamètre 9,7 cm ; poids 900 grammes; contenance 880 ml. Probablement une bouteille à bourgogne ou autre vin. À cette époque (1830-40), les bouteilles à champagne avaient perdu toute trace d’épaulement, présent sur cette bouteille. La bouteille présentée en 2015 (Fig. 7) a des mesures très comparables ; elle est toutefois un peu plus légère (825 grammes) et a une contenance un peu supérieure, de 910 ml environ.
Les deux bouteilles sont de très haute qualité, sans doute en accord avec leur destinataire princier. Je suis d’accord avec Geoffrey quand il dit qu’il s’agit plus probablement de bouteilles à vin que de bouteilles à champagne. Toutefois, il faut se rappeler que dans les verreries de l’Avesnois, spécialisées dans la champenoise, les deux formes (bourguignonne et champenoise) sont restées quasiment interchangeables pendant la 1ère moitié du 19ème siècle. De même, on observe que les marques au cul des deux bouteilles sont différentes : celle de Geoffrey a une marque de canne, la mienne a un pontil circulaire, de type « disc pontil ». Les bagues de col sont également différentes. On ne peut donc exclure que les bouteilles aient été soufflées dans des verreries différentes, ou à des moments légèrement différents de la douzaine d’années entre 1830 et 1843. Connaissant l’attachement de la France à ses traditions pour les produits de prestige, il ne me semble pas tout à fait impossible que ces bouteilles de prestige aient été soufflées à la canne – « à l’ancienne » – même si les autres bouteilles ordinaires étaient déjà soufflées-moulées (Figs 8-9).
Entretemps j’ai aussi vu une 3ème bouteille de ce type dans une collection bordelaise. Quelle que soit la cave princière dont ces bouteilles proviennent, il est évident qu’elles devaient s’y trouver en très grand nombre. Pourtant, 3 bouteilles en 12 années de collection, ce n’est pas énorme. Où donc sont toutes les autres ?
Another princely Orleans bottle
Two years ago, I published a post on a bottle with a seal showing the coat of arms of the Orleans family and the mysterious word ‘cave’ (cellar in French). Geoffrey Luff recently found a similar bottle in Southern France and has been doing some research on the seal. Here are his findings:
“d’azur à trois fleurs de lys d’or et au lambel d’argent” is of course the “blason” (coat of arms) of the Maison d’Orléans (Fig. 1) and I immediately thought of the Duc d’Orléans, but on close inspection two things stood out. Firstly the écu or shield is lozenge shaped and must be a great rarity on sealed bottles if not unique. Secondly the coronet above the écu is the “couronne des enfants de France”, all fleurs de lys as opposed to alternating fleurs de lys and acanthus leaves for a Duke, so this pins it down to a child or grandchild of a king of France other than the Dauphin who has a crown of his own.
More important for determining the owner is the lozenge shaped shields which in French heraldry is referred to as an “Écu des damoiselles” or demoiselles and was used for women. Taken together with the likely age of the bottle (c. 1825-30), that helps.
King Louis-Philippe came to the throne in 1830 and went to exile in England in 1848, during those 18 years his three daughters (Fig. 2) could have used this seal, that is until they got married. Princesse Louise Marie d’Orléans. 1812-1850. became the first queen of Belgium in 1832 so could have used the seal for 2 years. 1830-1832. Princesse Marie Christine d’Orléans. 1813-1839. became the Duchess of Wurtemberg in 1837 so she could have used it for 7 years. 1830-1837. Princesse Marie Clémentine d’Orléans. 1817-1907. became the Princesse of Saxe-Cobourg in 1843 and could have used it for 13 years from 1830-1843. She was also referred to as Mademoiselle de Beaujolais and with a name like that she has to be my favorite candidate!
The bottles could have course been reserved for use by all three sisters on special functions. The word “CAVE” on the seal is potentially the most interesting feature on this bottle. It would be interesting to know if other bottle seals have it. My bottle has a very distinctive glass blowpipe pontil scar which goes to show that they were still using this technique in the 1830s. Could they have been blown in Sevres?
Here are the measurements of the bottle with some pictures (Figs 3-6). Height. 30cm. Width. 9.7cm. Weight. 900gms. Capacity. 880ml. Probably a Burgundy or other wine bottle. Champagne bottles by 1830-40 had lost all hint of a shoulder that this bottle has. The bottle shown in 2015 (Fig. 7) has quite similar measurements. It is however somewhat lighter (825 grams) and contains a bit more, about 910 ml.
Both bottles appear to be of rather high quality, possibly adapted to their princely destination. I agree with Geoffrey when he says that these bottles were more likely wine bottles than champagne bottles. It is however worth reminding that in the Avesnois glasshouses (N. France), which specialized in the production of champagne bottles, the two shapes (“burgundy” and “champagne”) remained highly interchangeable in the 1st half of the 19thC. Both bottles have different pontil scars: Geoffrey’s bottle has a blowpipe scar while mine has a circular “disc pontil” scar. Applied string rims also differ. It is thus possible that the bottles were blown in different glasshouses, or at slightly different times of the dozen years between 1830 and 1843. Further, keeping in mind the French attachment to its tradition for luxury or prestige goods, I guess it is not unlikely that these prestige bottles were still hand-blown even though ordinary contemporary bottles were yet blown in molds (Figs 8-9).
A third bottle is kept in another private collection, in the Bordeaux region. Three bottles in 12 years of bottle grabbing and collection is not much. Yet, whatever the princely cellar in which they were stored, they were for sure in very large numbers. Where are all the others?
Laisser un commentaire