Bouteilles belges à bourgogne ou à bordeaux, à la fin du 18ème siècle

English version below

En France, cette question amène – chez un collectionneur de bouteilles du 18ème siècle – une vision claire de deux types de bouteilles bien différents : la bourguignonne-champenoise trapue et la bordelaise-frontignane plus fine et haute. Dans un livre que je n’aime pas beaucoup, Jean-Robert Pitte oppose la frontignane protestante (fine, élancée, austère) à la bourguignonne catholique (ventrue, ronde, décadente) (p. 169) … c’est plaisant, un peu pédant mais surtout indémontrable … laissons donc cela, d’autant que les choses sont bien différentes en Belgique !

La bourguignonne belge de la fin du 18ème siècle (1780-1820) ressemble à la bouteille présentée ci-dessous, qui possède en outre la caractéristique rare, sur le Continent, d’avoir un sceau de verre posé sur le bas du fût. Dans ce cas, le sceau V.H. se rapporte à un marchand de vin anversois (Van Havert, fide Van den Bossche, planche 264-1). La piqûre comporte des restes de verres laissés au bout du pontil (« glass-tipped pontil »).

Pour en revenir à la question-titre, j’ai mis cette bourguignonne à côté d’une bordelaise légèrement antérieure (1760-1780), belge également et portant aussi un sceau, malheureusement non identifié (marque de pontil annulaire, de type « disc pontil »). Fondamentalement, les deux formes ne sont pas si différentes : il est vrai que l’épaulement de la bourguignonne est un peu plus tombant et que la bordelaise est un peu plus trapue. Au fait, c’est tout l’inverse de ce qui se passe en France. À la fin du 18ème siècle, la Belgique était largement sous domination autrichienne, donc catholique. Seul l’Est du pays était sous domination du Saint-Empire romain germanique, protestant. Et comme on ne sait pas où étaient soufflées ces deux bouteilles (voir les centres de production connus, sur la carte ci-dessous), cela ne nous mène pas plus loin.

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Présentation1

Ce qui est sûr en revanche, c’est que l’élévation et l’amincissement des bouteilles au passage du 18ème au 19ème siècle rappellent une évolution bien connue dans les bouteilles anglaises – que l’on supposera toutes anglicanes 😉 ! Il n’est pas étonnant que l’évolution de la bouteille belge suive davantage le modèle anglais que français parce que le marché intérieur était exigu et que l’exportation outre-atlantique était sûrement un objectif, comme à l’époque où des millions d’oignons « hollandais » (donc aussi belges)  partaient vers les colonies américaines et antillaises, au début du 18ème siècle …

Belgian late 18thC Burgundy or Bordeaux bottles

In France, this question brings about – for a collector of 18thC bottles – a rather clear vision of two very different types of bottles: the Burgundian-Champenoise stocky one, and the bordelaise-frontignane, finer and taller. In a book I do not like very much, Jean-Robert Pitte opposes the Protestant frontignane (thin, slender, austere) to the Catholic Burgundian (bulging, round, decadent) (p.191) … it’s pleasant, a little bit pedant and wholly unprovable … let us thus forget this, especially as things are very different in Belgium!

The Belgian Burgundy bottle of the late 18thC (1780-1820) resembles the bottle shown below, which also has the rare feature on the Continent of having its glass seal placed rather low on the body. In this case, the seal reads V.H. and refers to a wine merchant in Antwerp (Van Havert, fide Van den Bossche, plate 264-1). The push-up has yet glass residues which were at the tip of the pontil (« glass-tipped pontil »).

To return to the title question, I show this Burgundy bottle next to a slightly earlier (1760-1780) Bordeaux one, also Belgian-made and also bearing a seal, unfortunately unidentified (push-up with « disc » pontil » scar). Basically, the two shapes are not so different: it is true that the Burgundy bottle has drooping shoulders and the Bordeaux one is somewhat stockier. As a matter of facts, it’s the exact opposite of what happens in France. At the end of the 18th century, Western Belgium was largely under the Austrian domination, and therefore Catholic. Only the East of the country was under the domination of the Holy Roman Empire, and Protestant. However, as we do not know where these two bottles were blown (see the map below, where known production centres are shown), it does not really help!

What is certain is that Belgian bottles were progressively taller and thinner when passing from the 18th to the 19thC. This is overall comparable with the well-known evolution in English bottles – which we will assume were all Anglicans 😉 . It is not surprising that the evolution of Belgian bottle follows the English pattern rather than the French one, since the domestic market was rather small and overseas export was certainly an objective, as when millions of “Dutch” (and Belgian) onions were shipped to the American and West Indian colonies, in the first half of the 18thC.

2 réponses à “Bouteilles belges à bourgogne ou à bordeaux, à la fin du 18ème siècle”

  1. Avatar de weil
    weil

    Ne pas aimer un livre et (ou) son auteur,en l’occurrence J.R.Pitte, est un droit bien naturel.Le critiquer ou s’en moquer (« un peu pédant ») en usant de citations fausses ou inexactes parait plus surprenant surtout de la part d’un honorable scientifique.
    Vous écrivez qu’à la page 169 Pitte oppose la frontignane à « la bourguignone catholique(ventrue,ronde ,décadente):c’est FAUX.
    Les épithètes ventrue et ronde ne figurent pas dans le texte de Pitte,quant à la décadence elle affecte des moines et non des bouteilles.Voici la citation exacte de la page 169:
    « ….les bouteilles champenoises et bourguignonnes se rapprochent des formes arrondies souvent attribuées aux MOINES DÉCADENTS et au clergé catholique bon vivant etc… »

    1. Avatar de Thierry De Putter

      Merci Alain, je savais que vous connaissiez et appréciez J.-R. Pitte. Pour ma part, je m’en tiens à ce qu’il écrit – puisque je ne le connais pas – et je persiste à trouver ses comparaisons amusantes mais peu fondées, qu’il s’agisse des « pasteurs protestants » (frontignane) ou des « moines décadents » (bourguignonne-champenoise). Je voulais aussi suggérer que ce classement bien hexagonal s’exportait mal, que ce soit en Belgique ou en Angleterre … Une dernière chose, encore: les posts de mon blog ne sont pas des articles scientifiques, même si je m’efforce d’y être rigoureux. Je peux et je veux garder ici une liberté de ton que je ne peux (hélas) me permettre dans le cadre de mes articles plus académiques.

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