À l’été 2022, j’ai acheté une élégante bouteille de bordeaux, de forme « frontignane » et portant un sceau relativement explicite : « 1er cru château Haut-Brion » entourant un monogramme que je pensais pouvoir identifier comme « JHB ». D’emblée, il me semblait que ce monogramme devait permettre d’en savoir plus sur la bouteille, et peut-être de la dater. A priori, je penchais pour une datation de la fin du 18ème ou du début du 19ème, basée notamment sur la marque de canne à la piqûre.
Photos (c) Alain Puginier – Pictures (c) Alain Puginier
À l’évidence, les propriétaires du domaine actuel étaient les mieux placés pour me permettre d’avancer. Seulement voilà … à chaque fois que j’ai contacté un domaine bordelais pour obtenir des informations sur une bouteille ancienne du domaine, j’ai échoué. La plupart du temps, je n’ai reçu ni accusé de réception, ni réponse. Qu’à cela ne tienne, je réessaierais encore ! En septembre 2022, je laisse donc un court message sur le formulaire de contact du domaine Clarence Dillon.
Trois jours plus tard, première réaction : le domaine me demande quelques photos de la bouteille. Il se passe ensuite une quinzaine de jours avant que je reçoive une réponse à mes questions, sous la plume d’Alain Puginier, historien et responsable du patrimoine et des archives des châteaux du domaine Clarence Dillon (1). Ce dernier me précise que le monogramme est celui de Jean-Henri Beyerman, propriétaire de la partie principale, dite « château », de Château Haut-Brion, entre 1825 et 1836. Ce Jean-Henri Beyerman est membre d’une grande famille d’armateurs, puis de négociants, d’origine hollandaise, installée dans le vignoble bordelais depuis 1620.
Voilà donc la fameuse bouteille identifiée et datée avec précision du 2ème quart du 19ème siècle, ce qui est plus récent que ce que je pensais initialement ! La présence de la trace de canne à la piqûre m’a induit en erreur. Pendant que les verreries du Nord passent à un stade préindustriel, au cours du 1er tiers du 19ème siècle, d’autres bassins produisent encore des bouteilles qui paraissent un peu plus « archaïques » avec leur fût tronconique inverse (en « pot de fleur »), légères, claires et portant la trace de la canne de soufflage au cul – qui disparaît 20 ans plus tôt dans le Nord. Ma demi-bouteille de Margaux Douät de la Colonilla, autre cru prestigieux du Médoc, est contemporaine de la Haut-Brion et présente elle aussi une trace de canne au cul (voir lien suivant).
L’histoire ne s’arrête pas là … il y a quelques semaines, je trouve une autre élégante frontignane portant cette fois un sceau « J.H. Beyerman, Bordeaux ». Le propriétaire du château Haut-Brion, décédé en 1835, a donc aussi commandé des bouteilles à son propre nom, sans mention d’un château. Même forme élancée, même trace de canne à la piqûre, même propriétaire … donc, en toute logique, même âge – même si quelques détails différencient les deux bouteilles (forme de la bague de col, fût lisse ou piqueté).
Dernier détail : la bouteille de Haut-Brion n’aura fait en définitive que passer dans ma collection … à l’issue de nos échanges, elle a rejoint le domaine d’où elle provenait et où elle est désormais la plus ancienne bouteille clairement identifiée de ce grand vin – devançant une bouteille plus récente, datant de 1855 environ (dernière photo, ci-dessous).
Je remercie Alain Puginier pour les échanges que nous avons eus et les documents qu’il m’a transmis. Pour plus d’informations.
About a prestigious Haut-Brion bottle dated 1825 to 1836
In the summer of 2022, I bought an elegant bottle of Bordeaux, ‘frontignane’ in shape and bearing a relatively explicit seal: ‘1er cru château Haut-Brion’ surrounding a monogram I could tentatively identify as ‘JHB’. Obviously, this monogram would give us more information about the bottle, and perhaps enable us to date it more precisely. At first glance, I was leaning towards a late 18th or early 19th century dating, based in particular on the blowpipe pontil scar.
Obviously, the owners of the current estate were in the best position to help me move forward. But here’s the thing … every time I’ve contacted a Bordeaux winery for information on an old bottle from the estate, I’ve been unsuccessful. Most of the time, I received neither an acknowledgement of receipt nor a reply. Never mind, I’ll try again! In September 2022, I therefore left a short message on the Clarence Dillon estate contact form.
Three days later, a first reaction: the estate asked me for a few more photos of the bottle. A fortnight went by before I received an answer to my questions, from Alain Puginier, historian and curator of the Clarence Dillon estate’s heritage and archives (1). He tells me that the monogram is that of Jean-Henri Beyerman, owner of the main part of Château Haut-Brion between 1825 and 1836. This Jean-Henri Beyerman was a noted member of a large family of shipowners, then merchants, of Dutch origin, who had been established in the Bordeaux vineyards since 1620.
The bottle has now been identified and precisely dated to the 2nd quarter of the 19th century, which is more recent than I initially thought! The presence of the blowpipe scar in the push-up misled me. During the 1st third of the 19th century, while glassworks in Northern France were moving into a pre-industrial stage, other basins were still producing bottles that appeared a little more ‘archaic’, with their flowerpot shape, light, clear glass and a blowpipe scar which disappeared 20 years earlier in the North. My half-bottle of Margaux Douät de la Colonilla, another fine Médoc estate, is contemporary with this Haut-Brion one and also has a blowpipe scar (see the following link).
The story doesn’t end there… few weeks ago, I found another elegant frontignane, this time bearing a ‘J.H. Beyerman, Bordeaux’ seal. The owner of Château Haut-Brion, who died in 1835, hence also ordered bottles in his own name, with no mention of a château. Same slender shape, same blowpipe scar at the push-up, same owner… so, logically, same age – even if a few details differentiate the two bottles (shape of the string rim, smooth or prickled body).
One last detail: the bottle of Haut-Brion has only just passed through my collection … following our exchanges, it returned to the estate from which it came and where it is now the oldest clearly identified bottle of this great wine – ahead of a more recent bottle, dating from around 1855 (last pic, below).
I’d like to thank Alain Puginier for our discussions and the documents he sent me. For more information.
Laisser un commentaire