Voici un 2ème post consacré aux bouteilles Pontalba, présentées en début d’année sur le blog. Je propose de voir dans une des bouteilles du premier post (Fig. 1) une bouteille soufflée sous l’Empire à la verrerie de Sèvres …
On connaît Sèvres aujourd’hui comme une manufacture de porcelaine mais l’histoire industrielle de Sèvres commence avec une verrerie, la Verrerie Royale de Sèvres, fondée et 1727 (faisant suite à une verrerie plus ancienne de 2 ans, fondée et 1725) qui fabriquait essentiellement, si pas exclusivement, des bouteilles. En 1753, la verrerie devient la propriété de la Marquise de Pompadour et elle est transférée, en 1760, au Bas-Meudon, le long de la Seine.
La manufacture travaillait essentiellement pour la Cour, à Versailles et Paris, et « produisait des bouteilles d’excellente qualité, résistantes aux chocs et à la pression. Elles étaient destinées à contenir du vin (…) et des eaux minérales gazeuses. Nombre de bouteilles portaient le cachet de leur propriétaire ou, éventuellement, celui de leur destinataire (Falconnet et Palaude, 2005). » À cette époque, la verrerie est donnée pour une des trois meilleures verreries en bouteilles du royaume (Bellanger, 1988, p. 159).
Fig. 1 – Bouteille Pontalba, sceau à palmette, vers 1810-15 – Pontalba bottle, palmette seal, circa 1810-15
Sous l’Empire, la verrerie appartient à Jean Casadavant, qui compte l’Empereur Napoléon parmi ses clients, poursuivant ainsi la tradition de « Fournisseur de la Cour » (appellation belge, toujours en vigueur dans ce pays et que je transpose ici à notre verrerie) de la verrerie royale, sous l’Ancien Régime.
En 1843, la verrerie voit son importance diminuer mais une centaine d’ouvriers souffle encore quelques 1.200.000 bouteilles annuelles. Deux ans plus tard, la verrerie est désormais dirigée par Alphonse Brongniart qui décrit, avec Riocreux, la diversité des productions de bouteilles, anciennes et contemporaines, de la verrerie, en 1845 (Brongniart et Riocreux, 1845, p. 356):
- « Une bouteille ventrue turbiniforme, avec cachet aux armes de la maison de Créqui, verre olivâtre-clair (sic). – Ancienne fabrication de Sèvres, vers 1740. (…) »
- Une bouteille forme parisienne, avec cachet au chiffre couronné de Napoléon, verre brun ordinaire. – Du Bas-Meudon, près Sèvres. Fabrication de M. Casadavant, vers 1810.
- Même fabrique. Six bouteilles en verre brun ordinaire : deux forme parisienne des grandeurs variées, une forme bordelaise, une forme oblongue pour le vin du Rhin, une cylindrique pour le rhum, et une de même forme, à goulot renflé, pour le vin de Madère. Exposition de 1844. »
Fort opportunément, nous savons exactement à quoi ressemblent les deux premières bouteilles ! La bouteille Créqui a été maintes fois illustrée (Fig. 2) et ne nous intéresse pas ici mais elle est en revanche fondamentale pour dater l’évolution de la forme des bouteilles françaises dans la 1ère moitié du 18ème siècle. C’est surtout la 2ème bouteille qui nous intéresse : elle est actuellement conservée à la Malmaison et présente une forme très proche de notre bouteille Pontalba (Fig. 3). Même silhouette générale, avec un fût tronconique inverse, un long col et une bague de col fine placée assez bas sur le col. La bouteille Pontalba est d’une fabrication extrêmement régulière et soignée et plus haute que celle au chiffre de l’Empereur. Elle pourrait donc, selon moi, être légèrement plus récente que cette dernière.
Fig. 2 – Bouteille aux armes de Créqui, vers 1740, inv. MNC 2818, Bellanger 1988, p. 155 – Bottle with the Créqui coat of arms, circa 1740, inv. MNC 2818, Bellanger 1988, p. 155
Fig. 3 – comparaison entre la bouteille au chiffre de Napoléon MNC 3124 et la bouteille Pontalba – comparison between the bottle with the Napoleon monogram MNC 3124 and the Pontalba bottle
Par les informations – précieuses – fournies par Brongniart et Riocreux, on sait donc que cette forme est dite « parisienne », qu’elle date de 1810 environ et qu’elle était en usage dans les caves de l’Empereur et sans doute de sa Cour. Or, j’ai brièvement rappelé dans un post antérieur qu’en 1804, Célestin de Pontalba est nommé page de l’Empereur tandis que son père, Joseph Xavier, est élevé à la baronnie en 1810, pour faits d’arme et services rendus à l’Empereur. Il est donc très vraisemblable que ces proches de l’Empereur se soient fournis en bouteilles, marquées à leur nom, à Sèvres, chez le fournisseur de la Cour.
La verrerie ou cristallerie de Sèvres continuera de souffler des bouteilles jusqu’au 20ème siècle (Fig. 4) et fermera ses portes en 1932 (pour un historique de la verrerie, voir Pinot de Vilechenon, 1996). Ce passé de verrerie en bouteilles est totalement éclipsé aujourd’hui par la brillante réputation de la Manufacture de porcelaine.
Bibliographie sommaire
Bellanger, J., 1988. Verre d’usage et de prestige – France 1500-1800. Éditions de l’Amateur, 525p.
Brongniart, A., Riocreux, D., 1845. Description méthodique du musée céramique de la manufacture royale de porcelaine de Sèvres. Leleux, Paris, p. 356. BNF : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6430171d/f11.item.texteImage
Falconnet, J., Palaude, S., 2005. La ruelle au Bœufs : un lieu de mémoire à préserver. Comité de Sauvegarde des sites de Meudon, Bulletin n°118, 3-5.
Pinot de Villechenon, M.- N., 1996. Histoire d’une appellation prestigieuse « Cristallerie de Sèvres » de 1725 à 1932. Revue de la Société des Amis du Musée National de Céramique, n°5, 65-73.
Fig. 4 – peinture de Louis Tauzin (1902), la verrerie du Bas-Meudon – painting by Louis Tauzin (1902), the Bas-Meudon glassworks
A Parisian Pontalba bottle, blown at Sèvres?
Here is a 2nd post devoted to the Pontalba bottles, presented at the beginning of the year on the blog. One of the bottles in the first post (Fig. 1) is a bottle blown during the Empire at the Sèvres glassworks…
We know Sèvres today as a porcelain factory, but the industrial history of Sèvres began with a glassworks, the ‘Verrerie Royale de Sèvres’, founded in 1727 (2 years after an earlier glassworks, founded in 1725) which mainly, if not exclusively, made bottles. In 1753, the glassworks became the property of the Marquise de Pompadour and in 1760 was transferred to Bas-Meudon, along the River Seine.
The factory worked mainly for the Court, in Versailles and Paris, and ‘produced bottles of excellent quality, resistant to shocks and pressure. They were designed to hold wine (…) and sparkling mineral water. Many of the bottles bore the seal of their owner or, in some cases, that of their recipient (Falconnet and Palaude, 2005). At the time, the glassworks was considered to be one of the three best bottled glassworks in the kingdom (Bellanger, 1988, p. 159).
Under the 1st Empire, the glassworks belonged to Jean Casadavant, who counted the Emperor Napoleon among his customers, thus continuing the tradition of the royal glassworks under the ‘Ancien Régime’, holder of a royal warrant.
By 1843, the glassworks had shrunk in size, but a hundred or so workers were still blowing some 1,200,000 bottles a year. Two years later, the glassworks was run by Alphonse Brongniart, who, along with Riocreux, described the diversity of the glassworks’ production of bottles, past and present, in 1845 (Brongniart and Riocreux, 1845, p. 356):
– ‘A turbiniform bottle with a seal bearing the coat of arms of the House of Créqui, olive-clear glass (sic). – Formerly made in Sèvres, circa 1740 (…)’.
– A ‘Parisienne’ shaped bottle, stamped with Napoleon’s crowned monogram, ordinary brown glass. – From Bas-Meudon, near Sèvres. Made by M. Casadavant, circa 1810.
– Same factory. Six bottles in ordinary brown glass: two Parisian shapes of various sizes, one Bordeaux shape, one oblong shape for Rhine wine, one cylindrical shape for rum, and one of the same shape, with bulging neck, for Madeira wine. Exhibition of 1844.’
Fortunately, we now know exactly what the first two bottles look like! The Créqui bottle has been illustrated many times (Fig. 2) and does not interest us here, but it is essential for dating the development of the shape of French bottles in the 1st half of the 18th century. It is the 2nd bottle in particular that interests us: it is currently preserved at La Malmaison and is very similar in shape to our Pontalba bottle (Fig. 3). It has the same general shape, with an flowerpot-shaped body, a long neck and a thin string rim placed fairly low on the neck. The Pontalba bottle is extremely regularly and carefully made, and is taller than the bottle bearing the Emperor’s monogram. In my opinion, it could therefore be slightly more recent than the latter.
Based on the invaluable information provided by Brongniart and Riocreux, we know that this form is said to be ‘Parisian’, that it dates from around 1810 and that it was used in the cellars of the Emperor and no doubt his Court. I briefly mentioned in a previous post that in 1804, Célestin de Pontalba was appointed page to the Emperor, while his father, Joseph Xavier, was elevated to the barony in 1810 for feats of arms and services rendered to the Emperor. It is therefore highly likely that these courtiers of the Emperor purchased bottles marked with their names from the Court supplier at Sèvres.
The Sèvres glassworks or crystal works continued to blow bottles until the 20th century (Fig. 4) and closed its doors in 1932 (for a history of the glassworks, see Pinot de Vilechenon, 1996). Today, this history of bottle glassmaking has been completely eclipsed by the brilliant reputation of the ‘Manufacture de porcelaine’.
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