Commentaire très intéressant de Benoît, que je reprends ici, sur mon dernier post: « tu cherches peut-être une chimère. Les verriers d’Altare, avant le XIXe siècle, ne se sont pas beaucoup intéressé à la bouteille. D’ailleurs, on a fait venir des verriers allemands, français et lorrains dans les verreries du Piémont pour que soient produites leurs spécialités de la fin du XVIe siècle au milieu du XIXe siècle. Même à Venise, on a fait venir des alsaciens au XIXe siècle !! (cf. databases BVE et VER et forum de genverre). Je me pose réellement la question de la pertinence d’une classification « nationale » de l’attribution des bouteilles«
Merci à lui de lancer ce débat auquel je répondrais cependant d’une manière nuancée … Ce commentaire illustre, selon moi, la nécessité de croiser les approches et les regards. Il est manifeste que les verriers ont énormément circulé, dans une grande partie de l’Europe ; de nombreux travaux ne laissent planer aucun doute là-dessus. Pour autant, il est tout aussi manifeste que les bouteilles continentales restent longtemps (jusqu’au la 2ème moitié du 19ème, à mon avis) très typées, non pas d’un pays à l’autre, mais d’un bassin verrier à l’autre. Même si les verriers ont circulé et échangé leurs savoir-faire, chaque bassin verrier a incontestablement produit des bouteilles relativement typiques, par le modèle, les aspects techniques, la couleur du verre, etc. C’est toute la richesse des productions continentales, par opposition aux productions anglaises, à mon sens plus homogènes (encore que …).
Pour ce qui concerne l’Italie, où je viens de passer une semaine, je pense que la situation est encore inconfortable, par manque de documentation bien étudiée. La péninsule a produit des récipients uniques, au 18ème (voir photo), comme ces dames-jeannes à vinaigre balsamique de la région de Modène – reconnaissables entre mille.
Mais je pense que le vrai « problème » italien, c’est que le vin y a longtemps – jusqu’au 20ème siècle en fait – été stocké dans des bonbonnes soufflées, produits d’une technologie quasiment intemporelle (celle illustrée en couverture de cet article pourrait très bien dater du 20ème siècle).
Les bouteilles « bourguignonnes, de trois quart moins un fifrelin » étaient produites dans le Duché de Savoie à la fin du 18ème, comme le suggèrent les documents, de manière univoque (voir mon post précédent). Mais les données sur les quantités produites manquent et on ne peut savoir s’il ne s’agissait pas d’une production marginale – que d’ailleurs je ne pourrais pas identifier ! Peut-être sont-elles effectivement indistinguables d’autres bourguignonnes, produites ailleurs … mais nous n’en sommes pas non plus sûrs. En revanche, ce que je vois au 19ème (pour autant que les datations soient assurées), c’est qu’il existe de vraies spécificités italiennes: piqûre, couleur du verre, traces du moule, bagues de col, etc. Il reste donc du travail de ce côté (travail que j’ai modestement entrepris avec mon collègue et ami Christian Dupuis).
Pour conclure, merci à Benoît d’avoir lancé un débat aussi intéressant … Restons cependant ouverts et prudents, un examen attentif des bouteilles révèle bien des informations qui, selon moi, sont révélatrices – directement ou indirectement – des lieux où elles sont produites … même si les verriers ont beaucoup voyagé!
A suivre, j’espère!
Regional bottle types in Continental Europe?
Mostly in French, this time, a debate on the possibility to distinguish bottles produced in different areas, in Continental Europe. On the one hand, it is recognized that glassworkers often migrated from one glasshouse to the other, across Europe – which may lead to the conclusion that their products were also relatively homogenized throughout the continent. Such is not the case, in my opinion: objective elements often allow for an identification of the production area, notwithstanding the facts that workers continuously exchanged their skills and know-how. Further comments are given on the case of Italian bottles, which definitely calls for more work. Italian wine was often stored in handblown carboys/demijohns, while utility cylinders might have long been relatively « anecdotical » bottles in the peninsula – even though we know that they were blown in Piemonte (N. Italy) as early as the late 18thC. The 1st pic below shows 3 remarkable carboys for balsamic vinegar (Modena area, 18thC).
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