Cette année 2020, si terrible dans son ensemble, aura paradoxalement été une année faste pour les bouteilles, avec pas moins de 56 entrées dans mon catalogue ! Cette belle récolte m’incite à revenir sur un post déjà un peu ancien, écrit il y a 5 ans et intitulé « Quelques mots sur le marché des bouteilles (mise à jour 2015) ». En 2020, le constat s’impose vite : en 5 ans, rien n’a vraiment changé. Le marché des bouteilles françaises ne s’est pas professionnalisé, ni structuré, ni rationalisé ! Les prix sont variables mais ils restent globalement bas par rapport au marché des bouteilles anglaises. Une bouteille « ordinaire » datant des années 1780-1800 ne trouve pas forcément preneur à 20€ alors qu’une bouteille anglaise des mêmes années vaut 2 à 3 fois ce prix. Et il n’y a pas de « prix de référence » implicite pour les différents types de bouteilles, comme en Angleterre.
Globalement, les bouteilles françaises du 18ème se négocient à des prix largement inférieurs à 100€ ; j’ai acheté cette année une très belle thévenotte ou champenoise pour 50€, en Bretagne (1ère à gauche, sur la photo mise en avant). Les oignons ou les bouteilles scellées se vendent un peu mieux et peuvent atteindre – souvent péniblement – 200 à 300€ pour les bouteilles scellées, le double pour les oignons (et de tels prix sont vraiment rares). Il y a évidemment des exceptions notoires, comme cette bouteille scellée datant du sacre de Louis XV (en 1722) et qui a atteint le prix de 10.000€ (hors frais de 30%) à la mi-octobre, chez Gros et Delettrez à Paris. Prix hors norme pour une bouteille hors norme, provenant d’une collection prestigieuse, et donc sans relation avec le marché de base d’autant plus que les 200 lots de la vente parisienne appartenaient clairement à la catégorie prisée du « verre de prestige » et non à celle, délaissée, du « verre d’usage ».
Ces catégories me semblent pourtant avoir des contours un peu flous parce qu’un verre à boire relativement simple du 18ème peut être vraiment « à cheval » entre l’utilité et le prestige. Or, certains verres simples de la vente Wirth chez Gros et Delettrez ont atteint des cotes énormes, pour ne pas dire disproportionnées (à mes yeux). Sans doute un beau verre à boire, limpide et de petite taille, est-il plus séduisant et facile à ranger que des bouteilles, sombres et encombrantes ?
En dehors du prix, il y a aussi la question de l’offre de bouteilles sur le marché. Quand je parcours les 56 entrées de ma collection cette année, elles se divisent – sans surprise – en 3 groupes :
- Ebay, en France mais aussi au Royaume-Uni, États-Unis, Pologne, Italie ;
- Fonds de cave, enlevé à domicile (en France cette année mais en Belgique les années précédentes) ;
- Brocantes, antiquaires et/ou autres collectionneurs et amis (en France cette année, également en Italie l’an passé).
Les prix les plus élevés sont souvent payés sur eBay à l’étranger, notamment aux États-Unis où j’ai trouvé des bouteilles scellées de grands domaines (Léoville (2ème à partir de la droite, sur la photo mise en avant) et Margaux notamment), dont les prix sont raisonnables à la base mais évidemment alourdis par les frais de port et d’importation dans l’UE.
Ce qui me frappe surtout, c’est l’imprévisibilité des trouvailles en France – alors qu’il est facile, à n’importe quel moment, de trouver des bouteilles anglaises, de toutes les qualités et de tous les prix, en surfant sur eBay ou sur le catalogue en ligne de quelques bonnes enseignes. Mes 56 entrées de cette année sont donc une sorte de record, très largement au-dessus de la douzaine d’entrées de 2018 ou de 2019 !
Mon impression reste donc relativement inchangée par rapport à 2015 : collectionner les bouteilles requiert de la patience mais est assez facile et bon marché en France. C’est une bonne nouvelle pour les nouveaux collectionneurs qui voudraient se lancer. À côté de cela, il y a aussi beaucoup de bouteilles qui changent de main, entre collectionneurs avancés, ce qui est un gage de convivialité mais ne témoigne pas forcément de la vitalité du marché. Ce manque de vitalité, pour ne pas dire carrément ce manque de marché, m’étonne encore toujours, dans un pays qui qui produit, consomme et exporte des vins de qualité, depuis des siècles. Que les contenants anciens de ces vins n’intéresse plus personne en France me semble surprenant et décevant, tant du point de vue du collectionneur que du point de vue de l’historien de l’art. J’ai évidemment été très flatté quand des archéologues urbains de l’agglomération nantaise m’ont demandé de dater des fragments de bouteilles mais ne serait-il pas plus logique qu’il y ait, en France, des spécialistes capables de faire le lien entre l’histoire des verreries (relativement bien étudiée) et la connaissance matérielle des objets ?
Pour conclure, je pense que le manque de documentation fiable sur les bouteilles françaises n’aide pas les nouveaux collectionneurs. Les livres existants font bien peu de place aux bouteilles françaises ou alors sont de peu d’utilité l’origine et la datation. Il manque toujours un bon bouquin de référence sur la typologie et la datation des bouteilles françaises des 18ème et 19ème siècles … ceux qui me connaissent savent qu’un tel livre est dans mes projets, pour les années à venir. Encore un peu de patience … et en attendant, prenez soin de vous !
What price for a French bottle in 2020?
This year 2020, awful as it is, has paradoxically been a very good vintage for my bottle collection, with no less than 56 new entries. This fine harvest invites to a comeback on a 5 years-old post named “A brief bottle market analysis (update 2015)”. In 2020, it appears that very little has changed: the market for French bottles has not become more professional, is neither better structured nor rationalized. Prices are variable though relatively low when compared to those of English bottles. An ordinary c. 1780-1800 French bottle does not necessarily sell for 20€ while an English cylinder of the same date is worth 2 or 3 times this price. Further, there is no reference price for the various types of French bottles, as in the United Kingdom.
Globally, French bottles dating from the 18thC sell for prices largely lower than 100€. I have bought this year a nice “thevenotte” or “champenoise” for 50€ in Brittany (1st to the left on the highlighted pic). Onion or sealed bottles usually sell better and fetch prices up to 200 or 300€ for sealed ones and twice that price for onions (even though such prices are quite unusual). There are notable exceptions, such as this sealed bottle dating from the coronation of king Louis XV in 1722, which sold for 10,000€ (+ 30% selling fees) in an October sale at Gros and Delettrez in Paris. Outstanding price for an outstanding bottle, coming from a noted private collection, and hence disconnected from the base market. This all the more as the bottle was sold amongst 200 lots pertaining to the sought-after category of “prestige glass”, and not to the more despised “utility glass” category.
In my eyes, these two categories have blurred outlines as a relatively simple 18thC drinking glass can really navigate between “utility” and “prestige”. Yet some rather simple drinking glasses were sold at Gros and Delettrez for enormous prices, not to say disproportionate. Of course, a drinking glass is a nice little thing in clear glass, easily stored and displayed, while a bottle is dark and rather bulky!
Besides price, the offer also matters. When looking at my 56 entries of this year, they cluster in 3 main categories:
- eBay in France, United Kingdom Poland and Italy;
- Cellar-found bottles, collected at the estate (in France this year, in Belgium before);
- Flea markets, antique dealers, other collectors and friends (in France this year, in Italy in 2019).
I have paid highest prices on eBay abroad, notably in the United States where I found early sealed bottles from prestigious estates as Leoville (2nd right on the highlighted pic) or Château Margaux. Initial prices are affordable even though significantly increased by shipping fees and import taxes in the European Union.
What strikes me especially is the intrinsic unpredictability of French bottles finds whereas it is rather easy to find at any times an English bottle of any quality or price, on eBay or in well-established online shops. My 56 entries of 2020 are thus a notable record, in sharp contrast with the modest dozens gathered in 2018 and 2019.
My feeling in 2020 is the same as in 2015: collect French bottles requires patience but is easy and relatively affordable. This is great news for the incoming collectors. Besides, numerous bottles are exchanged among advanced collectors, which demonstrates a good level of conviviality but does not attest to a vigorous market. This lack of vitality, not to say this lack of market, still astonishes me, in a country which produces, consumes and exports prestigious wines since centuries. It looks deceiving that nobody cares about the containers of these wines, being from the viewpoint of the collector or the art historian. I have been honored when urban archaeologists working in Nantes (W. France) asked my help to date bottle fragments but it would seem logical that French specialists could combine existing expertise on the history of glassworks and on the material remains.
To conclude, I guess that the lack of reliable books on French bottles is a major hinder to collectors (and notably to new ones). Existing books are not focused on French bottles and offer little help when it comes to the identification of the production area or the date of a bottle. A reference textbook on the typology and dating of 18th and 19thC French bottles still need to be written. Those who know me also know that such as book is a project of mine, in the coming years. Thanks for your patience and meanwhile take care!
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