Les bouteilles d’eau de Spa sont une rareté spécifiquement belge. Ces bouteilles plates ou renflées, ovoïdes, apparaissent sans doute dès la 2ème moitié du 16ème siècle et leur forme est probablement influencée par un prototype italien (fig. 1). Rainer Kosler (1998) les considère comme le « plus ancien emballage commercial européen » !

Fig. 1. Flacons italiens, région de Modène ; ces bouteilles ne sont pas antérieures au 18ème siècle (Torreggiani, 2004) mais un célèbre tableau de Guido Reni, représentant Bacchus buvant, montre une flasque comparable au début du 17ème siècle.
Fig. 1. Italian flasks, Modena region; these bottles do not date from before the 18th century (Torreggiani, 2004) but a famous painting by Guido Reni, depicting Bacchus drinking, shows a comparable flask from the early 17th century.
En effet, dès le 17ème siècle, ces bouteilles d’eau gazeuse de la source très minéralisée du Pouhon à Spa s’exportent massivement : avec un pic à plus de 100.000 bouteilles annuelles en 1632. Si le commerce de ces bouteilles est d’abord aux mains de marchands locaux (Spa, Liège), dès 1733, un marchand anglais, Henry Eyre, reçoit une patente d’exportation exclusive vers les Îles Britanniques. Il est possible que l’apparition de la bague de col à côtes verticales, typique de ces bouteilles (fig. 2), date de ce moment.


Fig. 2. Quelques exemples de bouteilles de Spa, mi-fin 18ème, collection de l’auteur ; fig. 2 (1), de gauche à droite : a = 22.5 cm de long, contenance 67 cl (n° 457); b = 30.5cm de long, contenance 67cl (n°465), c = 26cm de long, contenance 132 cl (n°396) ; on note que la bouteille de droite contient exactement le double des 2 autres, la « a » étant sans doute une demi-bouteille et la « b » une bouteille de voyage; fig. 2 (2), de gauche à droite : d = 26 cm de long, contenance 120 cl (n°58); e = 25cm de long, contenance 117cl (n°280); la bouteille « e » est la seule en verre vert franc, les autres ont une couleur vert olive.
Fig. 2. Some examples of Spa bottles, mid-late 18th century, from the author’s collection; fig. 2 (1), from left to right: a = 22.5cm long, capacity 67cl (no. 457); b = 30.5cm long, capacity 67cl (no. 465), c = 26cm long, capacity 132cl (no. 396); note that the bottle on the right contains exactly twice as much as the other two, ‘a’ probably being a half-bottle and ‘b’ a travel bottle; fig. 2 (2), from left to right: d = 26cm long, capacity 120cl (n°58); e = 25cm long, capacity 117cl (n°280); bottle ‘e’ is the only one in grass green glass, the others are olive green.
Pour garantir à l’acheteur la provenance de la source du Pouhon, les bouteilles ont été pourvues d’un sceau de cire et d’un certificat, qu’il fallait briser pour ouvrir la bouteille. Un sceau de verre aux armes du Prince-Évêque de Liège est brièvement apparu (1724-1743) sur les bouteilles destinées à l’exportation.
Ces bouteilles si particulières ont été soufflées dans la région même de leur utilisation, à Liège, dès 1653, mais aussi à Bruxelles et, plus tard, à Amblève (Est de la Belgique), dès 1727. Dans la mesure où elles sont impossibles à poser, il existe des supports spécifiques, en bois ou en pierre, qui permettent de les présenter (fig. 3). Il est aussi assez probable que ces bouteilles aient été réutilisées par leurs acheteurs, comme bouteilles à vin ou comme décanteurs.

Fig. 3. Bouteille de Spa dans son support en « marbre » (en fait un calcaire communément appelé « marbre » par les marbriers, sans doute ici une pierre de la région de Rochefort, en Belgique) ; la bouteille est affectée d’une maladie du verre, qui lui donne cette teinte bleu verdâtre (graisse de verre). Musée Curtius, Liège.
Fig. 3. Spa bottle in its ‘marble’ support (in fact a limestone commonly called ‘marble’ by marble masons, in this case probably a stone from the Rochefort region in Belgium); the bottle is affected by a glass disease, which gives it this greenish-blue tint (glassgall). Curtius Museum, Liège (Belgium).
Pour aller plus loin : voir le beau travail documentaire de Rainer Kosler, dans son ouvrage de 1998 (section bibliographie ; texte en allemand) ; belles pièces de collection dans les ouvrages de Willy Van den Bossche (notamment celui de 2001 et le supplément de 2023) ; pièces visibles au musée Curtius, à Liège.
Spa water bottles, Europe’s oldest commercial packaging?
Spa water bottles are a specifically Belgian rarity. These flat or swollen, ovoid bottles probably appeared as early as the 2nd half of the 16th century and their shape was probably influenced by an Italian prototype (fig. 1). Rainer Kosler (1998) considers them to be the ‘oldest commercial packaging in Europe’!
From the 17th century onwards, these bottles of sparkling water from the highly mineralised Pouhon spring were exported on a massive scale, peaking at over 100,000 bottles a year in 1632. Although the trade in these bottles was initially in the hands of local merchants (Spa, Liège), in 1733 an English merchant, Henry Eyre, was granted an exclusive export licence to the British Isles. It is possible that the appearance of the vertically ribbed neck ring, typical of these bottles (fig. 2), dates from this time.
To guarantee the purchaser the provenance of the Pouhon spring, the bottles were provided with a wax seal and a certificate, which had to be broken to open the bottle. A glass seal bearing the arms of the Prince-Bishop of Liège appeared briefly (1724-1743) on bottles intended for export.
These very special bottles were blown in the very region where they were used, in Liège as early as 1653, but also in Brussels and, later, in Amblève (eastern Belgium), from 1727. As they could not be placed on the table, special wooden or stone supports were used to display them (fig. 3). It is also quite likely that these bottles were reused by their buyers as wine bottles or decanters.
Further reading: see Rainer Kosler’s fine documentary work in his 1998 book (bibliography section; text in German); fine collection items in Willy van den Bossche’s books (particularly the 2001 edition and the 2023 supplement); items on display at the Musée Curtius in Liège.